vendredi 10 janvier 2020

Sur la loi de finances 2020 discutée à INSEA le 09/01/2020 : retour critique

Le projet de loi de finances est toujours une initiative qui traverse des étapes tumultueuses avant de parvenir à maturation. Aujourd'hui c'est chose faite, mais cette maturation est discutable. INSEA a invité quelques personnalités pour en discuter. Voici un bref résumé de mon intervention hier à INSEA sur la loi de finances 2020:
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1. Le protectionnisme est un faux problème, car la manière avec laquelle le protectionnisme est géré au Maroc est bien loin du protectionnisme éducateur évoqué par Friedrich List. Avec la Turquie nous avions 10 ans pour mettre à niveau notre industrie textile. Peu a été fait. Maintenant on se plaint que la Turquie est excédentaire avec nous.
2. Le problème du Maroc est un problème de vision, et non d'ajouter ou retirer tel montant de tel budget de la loi de finances. Au Maroc on s'oriente vers toujours plus de sous-traitance, et on oublie que dans 20 ans 60% des métiers vont disparaître. Peugeot c'est environ 150000 employés, whatsapp c'est 50 employés. Les deux valent autour de 20 milliards de $. Aujourd'hui, on forme aux métiers de peugeot au Maroc. Savons-nous vraiment où voulons-nous aller?
3. Les intervenants ont dénoncé un tabou. Celui de l'emprunt étatique auprès des banques qui perpétue une rente de situation injustifiable. Pour eux les banques gagnent trop. En réalité, ils ont oublié le grand tabou: L'existence même de banques et le gain injustifié par le simple de fait de prêter et attendre. Les intérêts. RIBA. Dans un schéma où le bailleur de fonds gagne que l'entrepreneur gagne ou perde, telle une scie qui prend en montant ou en descendant, l'économie nationale sera régulièrement pénalisée et on sera toujours sous la coupe du risque d'effet de cliquet.
4. La source du problème au Maroc ce n'est pas la bonne ou mauvaise formulation de la loi de finances, c'est le fait que les gens qui sont censés conduire ce pays, les parlementaires, qui sont aussi censés dresser une vision, une orientation, un modèle sociétal, se sont opposés à une loi qui les oblige à avoir le BAC au minimum. Certains n'ont même pas le BAC. Les mêmes sont censés nous apprendre comment être de bons citoyens et aller vers la meilleure voie de réussite! Il suffit de voir le nombre de parlementaires présents pour discuter la loi pour comprendre leur motivation
5. En parlant de réussite, l'un des intervenants affirmait en parlant de villas et du quartier Californie que cela faisait rêver, perpétuant ainsi même un modèle défaillant de société matérialiste de consommation idéalisant l'objectivation de la réussite, et associant le succès à l'achat et à l'accumulation d'objets, de capital. Eh bien, non, les villas, les voitures, les festivals, les soirées, le shopping, la mode, la musique, partager ses photos de vacances... ce n'est pas quelque chose qui fait rêver. S'il y a des choses dignes d'idéalisation dans ce monde, ce sont bien les valeurs nobles qui distinguent l'humain de l'inhumain, telles l'éthique, la noblesse, les valeurs morales, le sacrifice, l'honnêteté, la solidarité... D'où le fait que notre principal problème dans ce monde est un problème de CRITÈRE DE MESURE DE RÉUSSITE. Tant que les gens voient la réussite par le matériel, ils vont courir derrière l'accumulation jusqu'à toujours se rendre compte, tard dans leur vie, que le matériel n'apporte souvent que des soucis. Tant qu'on mesurera la réussite d'un pays par la croissance, c'est à dire le plus de production, on continuera à pomper cette planète jusqu'à épuisement. Pour changer le monde, il faut changer l'indicateur de réussite dans l'imaginaire commun.
6. L'un des intervenants était de gauche et faisait partie de ceux qui appellent à la dépénalisation des relations sexuelles hors mariage, de l'homosexualité, entre autres ignominies odieuses. En faisant cela, il touche notre critère de réussite ultime, à savoir le critère spirituel. Ainsi, même si son discours économique et social est ultra-séduisant, je lui ai fais comprendre je ne cesserais d'appeler les gens à voter contre lui car il s'inscrit en opposition totale avec l'ensemble des valeurs ultimes autour desquelles une société aboutie devrait graviter.

Généralement, mes précédents points ont souvent été applaudis. Le dernier a été chahuté.

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