lundi 30 décembre 2024

Que cache le recul brutal de l'indice de fécondité au Maroc ?


         Quelles sont les principales raisons de la baisse de la fécondité au Maroc ?

La baisse du taux de fécondité dans de nombreuses sociétés contemporaines est un phénomène complexe, influencé par divers facteurs. Selon diverses études sur la question, plusieurs raisons majeures peuvent expliquer cette tendance.

L'une des raisons les plus significatives est la scolarisation avancée des femmes. Statistiquement, il existe une corrélation inverse entre le taux de natalité et le nombre d'années d'études des femmes. En outre, la poursuite des études supérieures retarde souvent l'âge du mariage et de la première grossesse.

Une conséquence directe de la scolarisation est l'intégration accrue des femmes au marché du travail. Initialement encouragée pour augmenter le PIB, la consommation, les taxes et la dette globale, cette participation active au monde professionnel réduit le temps et l'énergie disponibles pour avoir une famille nombreuse. Par ailleurs, les statistiques montrent une corrélation inverse entre le travail des femmes et le taux de fécondité, illustrant un impact significatif sur la natalité.

L'inflation joue également un rôle central. La pression accrue sur la trésorerie des ménages, notamment dans des secteurs comme l'immobilier, l'éducation et la santé, contribue à une baisse de la natalité. On constate aussi que les prix inaccessibles de l'immobilier, qui représente le réceptacle spatial de la famille, dissuadent les ménages de s'élargir.

Une autre raison est l'implosion du modèle familial traditionnel. Le passage des familles élargies à des familles nucléaires limite la possibilité d'avoir des membres de la famille élargie prenant en charge les jeunes enfants. En outre, ce changement sociologique a contribué à réduire les soutiens disponibles pour les parents, rendant incontournable la solution crèche/baby-sitting, largement plus chère que la solidarité familiale.

Par ailleurs, l'urbanisation croissante représente un frein notable. Les contraintes spatiales et économiques des zones urbaines, où les logements sont souvent petits et coûteux, limitent les possibilités de familles nombreuses.

On observe aussi que l'accès accru aux moyens de contraception joue un rôle important. Il existe une corrélation inverse entre l'accès à ces moyens et le taux de fécondité, car ils permettent une planification plus précise des naissances, aboutissant à la réduction de la natalité.

D'ailleurs, dans de nombreux pays, des plans nationaux adoptés dans les années 1980 pour limiter la natalité continuent d'avoir des conséquences sur les comportements actuels. Ces politiques ont souvent introduit des mentalités axées sur la réduction de la taille des familles, et imposées par des institutions internationales comme recommandations.

On constate aussi une évolution des valeurs sociétales. L'individualisme et le matérialisme dominants poussent les parents à voir leur épanouissement personnel et leur bonheur en priorité. Dans ce contexte, la famille n'est plus perçue comme une supra-structure sociétale à laquelle on sacrifie son intérêt personnel. L'enfant commence à être perçu plus comme un perturbateur qu'autre chose.

Une autre raison importante est la diminution des mariages et l'augmentation des divorces. Ces phénomènes sont souvent liés à des mouvements sociaux qui encouragent une approche plus conflictuelle et matérialiste des relations entre hommes et femmes. Les mouvances féministes ont largement contribué à cet état de faits.

En outre, l'augmentation des possibilités de relations extra-conjugales et la complexité des procédures de mariage rendent ce dernier plus coûteux et difficile. Parfois, des calculs purements matérialistes peuvent amener à choisir les relations extra-conjugales, comme l'ont parfois fait des célebrités craignant pour leur richesse personnelle. Ces facteurs contribuent à une baisse de l'engagement dans des unions stables propices à une forte natalité.

Enfin, on constate que la détérioration de la qualité de la fertilité influence directement les taux de fécondité. Parmi les causes principales figurent le stress, l'exposition aux perturbateurs endocriniens (notamment via une alimentation trop industrialisée), la pollution, le tabagisme, l'alcool, l'obésité et une alimentation déséquilibrée.

La baisse du taux d’accroissement démographique peut-elle freiner la croissance économique?

Naturellement, le facteur humain étant la première contribution à l'économie, surtout pour un pays comme le Maroc dont la contribution des ressources naturelles au PIB est très limitée. Ibn Khaldou montrait l'importance du facteur démographique dans la croissance, Jean Bodin dira plus tard : il n'est de richesses que d'hommes.

La croissance se décompose en 3 facteurs chez les économistes : Travail, Capital et progrès technique, les 2 derniers facteurs sont fonction du premier. Donc cela peut aussi s'écrire : P = L + f(L) + g(L). Si L (Labour = Travail) est impacté à la baisse, donc toute l'équation de production est impactée à la baisse. Cela se traduit par une baisse de la population active, productive.

Ces facteurs, interconnectés et souvent amplifiés par les dynamiques socio-économiques modernes, expliquent la tendance globale à la baisse de la fécondité. Comprendre ces causes est essentiel pour concevoir des politiques adaptées aux réalités actuelles.

La baisse de la fécondité et l'urbanisation influencent-elles la consommation?

Cela va sans dire, un récent rapport de l'OCDE a mis en évidence le lien entre baisse de la fécondité et la baisse de la consommation, ce qui est par ailleurs intuitif et n'a pas besoin de rapports, les consommateurs étant des humains et les enfants étant les futurs consommateurs. La réductions de celui-ci implique la réduction de celui-là. En plus de la baisse de l'innovation qui vient souvent des jeunes, cela peut même se terminer par une spirale de décroissance. Le Japon est un cas d'école sur ce point, bloqué dans une stagnation depuis des décennies.

Avec une population vieillissante à l’horizon, quels ajustements économiques seraient nécessaires, notamment dans les secteurs comme les retraites ou la santé ?

A part des mesures qui iront à contre-courant de toutes les raisons que l'on a listé dans le point 1, il y a les mesures temporaires, efficaces à court terme mais qui ne résolvent aucunement le problème structurellement et à long terme, comme l'augmentation de l'âge des retraites, l'augmentation des cotisations et taxations, l'endettement, la privatisation des retraites et le passage aux retraites par capitalisation, faire travailler les plus âgés.

Il est aussi possible d'investir davantage dans la technologie, promouvoir la natalité via des politiques de valorisation familiale…

En somme c'est tout le modèle sociétal occidental qui arrive à ce genre de conséquences, présent dans quasiment tous les pays occidentaux. Le constat économique a donc sa source dans un modèle de société libérale et progressiste dans le sens social du terme, qui abouti à une implosion silencieuse des familles et de la fécondité.